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Point d’actualités sur la recherche scientifique sur l’endométriose dans le monde

Temps de lecture : 6 minutes

Si, en France, on entend beaucoup parler des travaux de recherche menés dans le cadre de la cohorte ComPaRe-Endo pilotée par Marina Kvaskoff ou des travaux de recherche scientifique menés sous l’égide de la Fondation pour la recherche sur l’endométriose et des actions des associations comme Endomind, EndoFrance ou InfoEndometriose, ce n’est qu’une infime partie de ce qui est fait dans le domaine à l’échelle mondiale. L’actualité de ces derniers mois en est la preuve. Plusieurs études de recherche scientifique publiées à l’étranger ont été sous le feu des projecteurs médiatiques, à commencer par la découverte par des chercheurs japonais d’une bactérie qui pourrait être à l’origine du développement l’endométriose[1], mais aussi la découverte par des chercheurs australiens que les lésions d’endométriose superficielles et profondes ont des compositions différentes[2] ou bien encore celles de chercheurs écossais qui ont observé que le métabolisme des cellules endométriales des femmes atteintes d’endométriose avaient tendance à produire des quantités plus élevées de lactate (ou acide lactique) que la normale, comme certaines cellules cancéreuses. Ces pistes sont très prometteuses pour l’avenir mais il faut rester prudent. Explications.

Pour en savoir plus sur les dernières recherches médicales françaises sur l’endométriose, vous pouvez consulter l’article de blog que j’ai écrit pour le site Endoblum.

Des recommandations internationales pour orienter la recherche scientifique sur l’endométriose à l’échelle mondiale

En février 2017, un consortium mondial de chercheurs sur l’endométriose a publié 56 recommandations sur les priorités de recherche pour l’endométriose pour faire progresser la connaissance de la maladie (la dernière publication sur le sujet datait de 2009).

Ces recommandations recouvrent tous les domaines :

  • Diagnostic (biomarqueurs, imagerie) ;
  • Classification (des phénotypes et des symptômes de la maladie, des trajectoires des patientes) ;
  • Essais cliniques et traitements (comparaison des options de traitements, amélioration de la qualité de vie, fertilité) ;
  • Epidémiologie (nouvelles cohortes de patientes, génomique, environnement) ;
  • Pathophysiologie (inflammation, immulogie, douleurs) ;
  • Biologie (angiogénèse, lymphagiogénèse, cellules souches, apoptose, miARN, etc) ;
  • Santé publique et organisations des soins ;
  • Politique de recherche (données, registres et biobanques, atlas mondial, approches multidisciplinaires, etc.).

Depuis la publication de ces recommandations, de nombreuses études ont été publiées sur le sujet de l’endométriose. Ces études se divisent en deux catégories :

  • La recherche fondamentale : également appelée recherche de base, la recherche fondamentale vise à accroître une meilleure compréhension du corps humain et des maladies. Cette forme de recherche est souvent menée en laboratoire et se concentre sur l’exploration des concepts, des théories et des lois sous-jacentes. Elle ne vise pas directement à des applications pratiques immédiates, mais plutôt à élargir les connaissances et à fournir une base pour des recherches ultérieures et des applications potentielles. Concernant l’endométriose, la recherche fondamentale vise à comprendre les mécanismes qui aboutissent à l’apparition et au développement de la maladie.
  • La recherche clinique : fondée sur la recherche fondamentale, la recherche clinique visite à définir et valider les meilleures stratégies de diagnostic possibles et à inventer de nouveaux traitements. Il s’agit d’une étape cruciale dans la mise au point d’un traitement car cela correspond au moment où celui-ci est évalué chez l’être humain, après que les résultats des études précliniques effectuées en laboratoire ont été jugés satisfaisants.

Plusieurs centaines d’études ont été réalisées sur le sujet de l’endométriose, que ce soit en recherche fondamentale ou en recherche clinique, depuis cette date.

Et, ces derniers mois, un certain nombre ont été sur le devant de la scène médiatique, que ce soit sur des pistes de traitement non hormonaux ou sur des pistes concernant l’origine de la maladie.

Ces derniers mois, plusieurs pistes de traitement non hormonal ont été sous les projecteurs

Aujourd’hui le seul traitement proposé pour l’endométriose repose sur la prise d’hormones en continu pour bloquer le cycle menstruel et les règles. Ce traitement permet de mettre l’évolution de la maladie en pause pour la plupart des femmes et de stopper – ou a tout le moins réduire – les douleurs liées à la maladie.

Mais ce traitement n’est pas curatif. Il ne permet pas de guérir la maladie. Par ailleurs le nombre de femmes qui ne veulent pas (ou plus) prendre d’hormones à tendance à augmenter ces dernières années pour différentes raisons (alerte de l’ANSM sur certains progestatifs prescrits pour l’endométriose pouvant être à l’origine de méningiomes, risque de cancer du sein, effets secondaires (mettre le lien vers l’article sur traitement ou pas traitement).

Les études sur un traitement non hormonal de l’endométriose sont au cœur des recherches mondiales actuellement.

Ces derniers mois ont été publiées deux recherches relativement avancées sur des pistes de traitement non hormonal pour l’endométriose.

Cela semble particulièrement intéressant (et une grande avancée pour notre santé de femme) dans la mesure où jusque-là c’était la piste hormonale qui était privilégiée pour réduire les symptômes et le prolifération des lésions.

Ces recherches s’intéressent principalement à la piste immunitaire du développement de l’endométriose.

Une étude écossaise proposant un traitement oral par comprimés pour faire réduire les lésions[3]

La première est une étude écossaise sur l’excès de lactate qui serait lié à la prolifération des cellules endométriales. Des chercheurs écossais ont en effet observé que le métabolisme des cellules endométriales des femmes atteintes d’endométriose avaient tendance à produire des quantités plus élevées de lactate (ou acide lactique) que la normale, comme certaines cellules cancéreuses.

Ils ont donc testé un médicament, le dichloroacétate, habituellement utilisé dans le traitement de certains cancers, mais aussi de certains troubles métaboliques de l’enfance pour étudier son impact sur le soulagement des symptômes et la progression de la maladie.

Un premier test de ce médicament a été mené sur des souris. Après sept jours de traitement oral avec le dichloroacétate, les lésions d’endométriose des souris ont diminué, tout comme les concentrations de lactate au sein de la cavité péritonéale.

L’équipe écossaise mènera à partir de l’automne un premier essai clinique sur des femmes pour confirmer ces premiers résultats très encourageants. L’idée est de tester l’efficacité et la sécurité du dichloroacétate.

Ce traitement se prendrait sous forme de comprimés.

Une étude sur l’injection d’un anticorps capable de réduire l’inflammation et la taille des lésions[4]

Des chercheurs japonais ont montré que l’anticorps AMY109, administré sous forme d’injections mensuelles, pourrait réduire les lésions et les adhérences des femmes atteintes d’endométriose, grâce à son action sur l’inflammation chronique.

Une première partie de la recherche a été menée sur des singes, chez lesquels la taille des lésions a été diminuée par deux.

Actuellement, la recherche en est au stade clinique avec un essai auprès de 26 patientes volontaires. La phase suivante de la recherche pourrait avoir lieu en 2024 au Royaume-Uni.

Ce traitement se ferait sous forme d’injection mensuelle réalisable soi-même.

Des pistes sur les origines de l’endométriose

Une infection bactérienne comme cause de l’endométriose[5]

Dans une étude publiée le 14 juin 2023 dans Science Translational Medicine, des chercheurs de l’université de Nagoya (Japon) ont montré comment la bactérie Fusobacterium pouvait favoriser le développement de l’endométriose. Lors de cette étude, les chercheurs ont constaté que 64 % des patientes atteintes d’endométriose avaient des bactéries Fusobacterium dans leur muqueuse utérine, contre moins de 10 % des femmes du groupe témoin. Les prélèvements vaginaux effectués sur ces patientes ont montré la même chose : une prévalence beaucoup plus élevée de la bactérie chez les patientes atteintes d’endométriose que chez celles qui ne le sont pas.

L’étude suggère que l’infection à Fusobacterium pourrait déclencher des changements structurels caractéristiques de l’endométriose, comme la répartition de tissus semblables à l’endomètre en dehors de l’utérus.

Cela fait plusieurs années que la piste du microbiote, qu’il soit intestinal, vaginal ou utérine, est étudiée par les chercheurs. Pour en savoir plus, vous pouvez lire l’article de blog que j’ai consacré au sujet : Microbiote et endométriose : des liens étroits à double sens

Cette piste est cependant largement questionnée pour diverses raisons. Pour en savoir plus, je vous invite à lire cet article.

L’intoxication au cadmium à l’origine de l’endométriose ?

Parmi les facteurs mis en cause dans le développement et la progression de l’endométriose, l’exposition à la pollution est régulièrement montrée du doigt que ce soit avec les perturbateurs endocriniens ou avec les métaux lourds.

Selon une étude américaine publiée le 24 juillet 2023[6] dans la revue Human Reproduction, les femmes souffrant d’endométriose ont des taux plus élevés de cadmium dans leurs urines que la moyenne des femmes. De la famille des métaux lourds, il est présent aussi bien dans les sols que dans l’air, l’eau ou les aliments.

Le cadmium est une substance reconnue cancérogène pour l’Homme par le Centre International de Recherche sur le Cancer (Circ) et suspectée d’être un perturbateur endocrinien.

En effet, le cadmium est « métalloestrogène ». Ce qui signifie qu’il peut agir comme l’hormone œstrogène, au cœur du développement de l’endométriose.

Les femmes y sont particulièrement exposées en respirant de la fumée de cigarette et en mangeant des aliments contaminés comme des épinards ou de la laitue.

Ces résultats doivent toutefois être appuyés par d’autres recherches, les scientifiques craignant que pour cette étude, le cadmium urinaire et la prévalence de l’endométriose aient été confondus avec les fibromes utérins.

Cette étude vient tout de même abonder dans le sens de l’impact du facteur environnemental sur le développement et la progression de l’endométriose. Pour plus d’informations sur ce sujet, je vous invite à lire l’article de Reporterre.


[1] MURAOKA AYAKO et al., Fusobacterium infection facilitates the development of endometriosis through the phenotypic transition of endometrial fibroblasts, SCIENCE TRANSLATIONAL MEDICINE, 14 Jun 2023, Vol 15, Issue 700, DOI: 10.1126/scitranslmed.add1531

[2] Source : https://www.theguardian.com/society/2023/jun/01/australian-researchers-make-world-first-endometriosis-breakthrough

[3] Source : Repurposing dichloroacetate for the treatment of women with endometriosis, Andrew W. Horne, S. Furquan Ahmad, Roderick Carter, Philippa T. K. Saunders, December 2, 2019, 116 (51) 25389-25391, https://doi.org/10.1073/pnas.1916144116

[4] Source : A long-acting anti–IL-8 antibody improves inflammation and fibrosis in endometriosis, Ayako Nishimoto-Kakiuchi, Izumi Sato, Kiytaka Nakano, Hiroshi Ohmori, Yoko Kayukawa, Hiromi Tanimura, Sachiya Yamamoto, Yuichiro Sakamoto, SCIENCE TRANSLATIONAL MEDICINE, 22 Feb 2023, Vol 15, Issue 684, DOI: 10.1126/scitranslmed.abq5858

[5] Source : MURAOKA AYAKO et al., Fusobacterium infection facilitates the development of endometriosis through the phenotypic transition of endometrial fibroblasts, SCIENCE TRANSLATIONAL MEDICINE, 14 Jun 2023, Vol 15, Issue 700, DOI: 10.1126/scitranslmed.add1531

[6] Mandy S Hall, Nicole M Talge, Kristen Upson, Urinary cadmium and endometriosis prevalence in a US nationally representative sample: results from NHANES 1999–2006, Human Reproduction, Volume 38, Issue 9, September 2023, Pages 1835–1842, https://doi.org/10.1093/humrep/dead117

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